Je me suis échappée du bar il y a quatre mois. J’étais forcée de me prostituer depuis deux ans. J’ai trois soeurs. Mes parents étaient trop pauvres pour nous nourrir tous, et ils ont accepté que je parte dans une famille pour être femme de ménage. Je n’avais pas le choix, c’est normal d’aider ses parents. C’est une voisine qui m’a emmenée. Nous sommes allées à Albay, au sud de Manille. Elle m’a conduite dans un bar et là, le patron lui a donné de l’argent et elle m’a laissée seule. J’étais terrifiée et je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Le patron m’a dit que j’étais là pour coucher avec des hommes et que si je ne faisais pas ce qu’il voulait il enverrait des gens faire du mal à mes parents et à mes soeurs. Je devais satisfaire plus de dix clients par jour. Si je rechignais ou que j’étais malade j’étais battue ou violée. Je n’avais pas le droit de sortir et je ne touchais aucun argent. J’ai eu de la chance car un client s’est attaché à moi et m’a aidée à m’enfuir. Maintenant, j’ai trop honte pour rentrer chez mes parents. Je suis malade et je n’ai pas d’argent à leur donner. J’ai dénoncé mon patron à la police pour qu’elle sauve les autres filles qui étaient prisonnières avec moi. J’ai trouvé refuge auprès d’une association. J’ai une chambre, ils me donnent de quoi me soigner et je réapprends à lire, à écrire et à compter. Je voudrais devenir marchande de légumes pour pouvoir aider mes parents et avoir une vie normale. Chaque nuit, je fais des cauchemars. Je revois les visages des clients. J’ai peur que le patron me retrouve et qu’il me tue. Les hommes ne devraient pas avoir le droit de nous faire mal comme cela. »
page 58 de Le travail des enfants, M. Hélary, Milan Jeunesse, 2009